« Indépendamment du dossier médical personnel prévu par l’article L. 161-36-1 du code de la sécurité sociale, le masseur-kinésithérapeute tient pour chaque patient un dossier qui lui est personnel ; il est confidentiel et comporte les éléments actualisés, nécessaires aux décisions diagnostiques et thérapeutiques.

Dans tous les cas, ces documents sont conservés sous la responsabilité du masseur-kinésithérapeute. Sous réserve des dispositions applicables aux établissements de santé, les dossiers de masso-kinésithérapie sont conservés sous la responsabilité du masseur-kinésithérapeute qui les a établis ou qui en a la charge. En cas de non-reprise d’un cabinet, les documents médicaux sont adressés au conseil départemental de l’ordre qui en devient le garant.

Le masseur-kinésithérapeute transmet, avec le consentement du patient, aux autres masseurs-kinésithérapeutes et aux médecins qu’il entend consulter, les informations et documents utiles à la continuité des soins. »

La déontologie du masseur-kinésithérapeute lui impose la tenue d’un dossier personnel relatif à chaque patient pour lequel il peut être susceptible d’engager sa responsabilité.

  1. Une « fiche patient » personnelle au masseur-kinésithérapeute et distincte du dossier médical personnel

Le dossier du patient tel qu’envisagé par l’article R.4321-91 ici commenté doit être analysé comme une « fiche d’observation » tenue et mise à jour par le masseur-kinésithérapeute dans le cadre de son activité. Ce dossier ne saurait être confondu avec d’autres dossiers médicaux imposés par la loi et notamment avec le principal d’entre eux, le dossier médical personnel (désormais prévu par les dispositions de l’article L.1111-14 du code de la santé publique) qui impose également que chaque professionnel de santé reporte dans le dossier du patient bénéficiaire de l’assurance maladie les éléments diagnostiques et thérapeutiques nécessaires à la coordination des soins de la personne prise en charge.

La tenue de ces fiches de suivi est obligatoire. Est ainsi déclaré fautif un professionnel qui ne rédige pas de comptes rendus de consultation et qui n’établit pas de fiche d’observation dans le cadre de son activité, cette faute pouvant faire courir au patient un risque injustifié (CDNOM, 15 déc 2011).

Ce dossier est personnel au masseur-kinésithérapeute. Dans le cadre de son activité, il constituera un outil de travail et d’information sur son patient lui permettant de prodiguer des soins adaptés, de coordonner d’éventuelles actions entre différents professionnels et d’organiser les soins et leur continuité. A ce titre, est reconnu fautif un masseur-kinésithérapeute collaborateur n’ayant pas restitué au masseur-kinésithérapeute titulaire les fiches de suivi relatives aux patients, méconnaissant ainsi les dispositions relatives à la continuité des soins (CDPI IDF, 22 février 2012, n°11/025).

  1. Le contenu

Le dossier tenu par le masseur-kinésithérapeute doit comprendre les éléments de santé actualisés relatifs au patient qui seront nécessaires aux décisions diagnostiques et thérapeutiques. Sa rédaction n’est soumise à aucun formalisme. Il pourra s’agir ainsi d’informations administratives et familiales relatives au patient, de son état général de santé, de l’historique de son état de santé, des soins réalisés, des diagnostics effectués, des comptes rendus de consultation, des prescriptions mises en œuvre, d’éventuels échanges entre le patient et le masseur-kinésithérapeute, des notes personnelles… A titre d’exemple, est condamné en méconnaissance de ces dispositions, le médecin n’étant pas en mesure de fournir les éléments cliniques et thérapeutiques justifiant ses actes ou ses prescriptions (SASCNOM 02 juillet 2013, n°4969), le professionnel ayant mentionné des comptes rendus incomplets (SASCNOM, 22 septembre 2009, n°4545) ou encore le professionnel disposant d’informations fragmentaires sur l’état de santé de ses patients, révélant ainsi une tenue défectueuse des dossiers préjudiciable à la continuité des soins (SASCNOM, 03 mai 2007, n°4271).

A cette fin, la Haute Autorité de Santé (HAS) a émis des recommandations spécifiques aux masseurs-kinésithérapeutes : http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/massokine_recos.pdf

Dans cette optique, il convient de rappeler que le code de déontologie prévoit aux articles R.4321-103 et R.4321-105 qu’un masseur-kinésithérapeute peut avoir à collaborer avec un confrère. Il est alors conseillé au professionnel d’inscrire dans la fiche du patient les décisions et comptes rendus effectués dans le cadre de cette collaboration.

Le conseil national recommande quant à lui de retranscrire également dans la fiche du patient l’ensemble des moyens déployés auprès du patient dans le cadre du devoir d’information. En effet, dans le cadre d’une prise en charge, le masseur-kinésithérapeute est tenu à un devoir d’information auprès du patient (V. commentaire art R.4321-83 et fiche « le devoir d’information du patient »). En cas de litige, la charge de la preuve pèsera sur le professionnel qui pourra la rapporter par tous moyens (Cass, Civ, 1ère, 14 oct 1997).

  1. Une déclaration CNIL

Le masseur-kinésithérapeute qui détient un dossier propre à chacun de ses patients effectue un traitement de données personnelles au sens de la loi 78-17 du 06 janvier 1978 dite « informatique et libertés ». Or, quel que soit son support, tout fichier doit faire l’objet d’une déclaration à la CNIL de la part du masseur-kinésithérapeute.

Cette déclaration peut être effectuée en ligne, la CNIL mettant à disposition des professionnels de santé un outil explicatif ainsi que le formulaire de déclaration adapté à la gestion de données médicales, dès lors qu’elles ne font pas l’objet d’un traitement particulier : https://www.cnil.fr/fr/declaration/ns-050-cabinet-medical-et-paramedical

En outre, toute personne procédant à une collecte de données est tenue d’informer les personnes concernées par ce traitement en application de l’article 32 de la loi n°78-17 du 06 janvier 1978 dite « informatique et libertés ». Les patients devront être clairement informés de l’identité du responsable du traitement, des objectifs poursuivis, des destinataires de ces informations et des modalités d’exercice de leurs droits (droit d’accès, de rectification et d’opposition).

Ces éléments peuvent être portés à la connaissance des patients par un affichage en salle d’attente ou encore sur tout support servant à recueillir des données personnelles.

La formulation suivante est préconisée :

« Ce cabinet dispose d’un système informatique destiné à faciliter la gestion des dossiers des patients et à assurer la facturation des actes et la télétransmission des feuilles de soins aux caisses de sécurité sociale.

Les informations recueillies lors de votre consultation feront l’objet, sauf opposition justifiée de votre part, d’un enregistrement informatique réservé à l’usage de votre professionnel de santé.

Votre professionnel de santé se tient à votre disposition pour vous communiquer ces renseignements ainsi que toutes informations nécessaires sur votre état de santé.

Tout médecin désigné par vous peut également prendre connaissance de l’ensemble de votre dossier médical.

Loi n°78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ».

  1. La confidentialité

Les données retranscrites dans la fiche du patient sont confidentielles car protégées par le secret professionnel. En effet, aux termes de l’article L.1110-4 du code de la santé publique, le secret couvre l’ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel de santé. Ainsi, le masseur-kinésithérapeute devra veiller à ne divulguer aucun élément contenu dans le dossier du patient sans son accord mais également veiller à le protéger de toute indiscrétion.

Du fait de la confidentialité des informations retranscrites, le masseur-kinésithérapeute a la responsabilité de leur traitement. A cette fin, l’article 34 de la loi 78-17 du 06 janvier 1978 prévoit que : « Le responsable du traitement est tenu de prendre toutes précautions utiles, au regard de la nature des données et des risques présentés par le traitement, pour préserver la sécurité des données et, notamment, empêcher qu’elles soient déformées, endommagées, ou que des tiers non autorisés y aient accès. »

Ce principe de confidentialité connaît toutefois quelques exceptions qu’il convient d’aborder.

4.1. L’accès du patient aux informations le concernant

L’article L.1111-7 du code de la santé publique garantit à toute personne l’accès à l’ensemble des informations concernant sa santé détenues à quelque titre que ce soit par des professionnels et établissements de santé et qui sont formalisés ou ont fait l’objet d’échange d’écrits entre professionnels de santé.

Tels sont les éléments composant la fiche patient du masseur-kinésithérapeute.

Le masseur-kinésithérapeute devra ainsi satisfaire toute demande de communication d’informations relatives à sa santé de la part du patient, en s’assurant de l’identité de celui-ci, ou de la part du médecin que le patient aura désigné pour en formuler la demande. S’agissant du patient mineur, sauf opposition de sa part, ce droit d’accès est exercé par les titulaires de l’autorité parentale.

Cet accès ne comprend toutefois pas les informations recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique, ni les informations concernant directement le tiers concerné ou encore les observations personnelles du professionnel de santé.

4.2. Le cas particuliers de la perquisition judiciaire

Dans le cadre de son activité, le masseur-kinésithérapeute peut être sollicité pour apporter son concours à la justice et ainsi faire l’objet d’une perquisition judiciaire. La perquisition est une mesure d’enquête visant à rechercher des éléments de preuve d’une infraction.

Des informations contenues dans le dossier du patient pourront alors être sollicitées.

Bien qu’il soit garant du secret professionnel auprès de ses patients, le masseur-kinésithérapeute confronté à une perquisition portant sur un dossier du patient n’aura d’autre choix que de coopérer. Il convient à cette fin de rappeler que les perquisitions donnant lieu à saisies sont effectuées dans le cadre d’une procédure judiciaire par le procureur ou un officier de police judiciaire (OPJ) agissant à sa demande et sous son contrôle, un juge d’instruction, un magistrat délégué par lui ou un officier de police judiciaire muni d’une commission rogatoire. Les documents saisis sont uniquement ceux indispensables à l’enquête en cours. Ils doivent être placés sous scellés fermés. Enfin, la présence du représentant de l’ordre est obligatoire.

4.3. La communication à d’autres professionnels de santé d’informations contenues dans le dossier par le masseur-kinésithérapeute

Sous réserve de l’accord du patient, le dernier alinéa du présent article prévoit que le masseur-kinésithérapeute peut transmettre à d’autres masseurs-kinésithérapeutes ou aux médecins qu’il entend consulter, des informations et documents utiles à la continuité des soins appelés à figurer dans la fiche du patient.

Plus récemment, la loi de modernisation de notre système de santé a étendu le partage d’informations, prévoyant qu’un professionnel peut échanger avec un ou plusieurs professionnels identifiés des informations relatives à une même personne prise en charge, dès lors qu’ils participent tous à sa prise en charge et que ces informations sont strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins, à la prévention ou à son suivi médico-social et social (Art L.1110-4, II du CSP). Cette possibilité n’exonère pas le masseur-kinésithérapeute du respect du secret professionnel qui devra recueillir le consentement préalable de son patient.

Il est vivement conseillé de recueillir un consentement écrit et de l’inscrire dans le dossier du patient (hormis le cas où le masseur-kinésithérapeute ferait partie d’une équipe de soin où le consentement est présumé : Art L.1110-4, III du CSP).

  1. La conservation des données de santé détenues par le masseur-kinésithérapeute

La conservation des données de santé relatives à un patient poursuit plusieurs objectifs, les principaux étant la continuité des soins et la constitution de preuve en cas d’action intentée contre le professionnel.

Cette conservation peut être effectuée par le professionnel de santé lui-même ou encore auprès d’un hébergeur agréé, en application de l’article L.1111-8 du code de la santé publique.

Néanmoins, la question de la durée de conservation des données de santé inscrites dans la fiche patient tenue par un professionnel libéral reste entière car ne connaît à ce jour, aucune législation spécifique, à l’inverse de la conservation des données de santé en établissements.

En l’absence de telles précisions, le masseur-kinésithérapeute se réfèrera aux délais de droit commun qui prévoient que la responsabilité médicale d’un professionnel de santé peut être recherchée dans un délai de dix ans à compter de la consolidation du dommage.

Ce délai reste toutefois peu concret du fait qu’une consolidation de dommage peut se produire parfois des années après la réalisation de l’évènement générateur. Un masseur-kinésithérapeute peut donc voir sa responsabilité recherchée au-delà de ce délai de 10 ans.

Dans cette optique, et en l’absence de précisions législatives, ces délais pourront être considérés comme indicatifs, rien n’empêchant au professionnel de conserver les informations relatives à son patient sur une durée plus longue. A titre d’exemple, les établissements sont tenus à une conservation des informations pour une durée minimale de vingt ans mais sont également tenus à la conservation des dossiers jusqu’au vingt huitième anniversaire du patient.

C’est dans cette logique que le conseil national invite les masseurs-kinésithérapeutes à veiller à conserver les données de santé collectées pour chacun de leurs patients pour une durée de trente ans.

  1. La cessation d’activité du masseur-kinésithérapeute

Lors de la cession d’activité d’un masseur-kinésithérapeute, il convient de s’interroger sur le devenir des informations relatives au patient suivi par le professionnel initial.

6.1. Le cas de la cession de patientèle

Dans cette hypothèse, l’activité du masseur-kinésithérapeute sera pérennisée par la reprise du cabinet et la continuité des soins pourra être assurée.

En revanche, la transmission des dossiers tenus par le masseur-kinésithérapeute cédant son activité ne doit pas être automatique. En effet, les articles L.1110-8 et R.4321-57 du code de la santé publique posent le principe de la liberté dont dispose le patient de choisir son professionnel de santé. En effet, une cession de patientèle est licite dès lors qu’est sauvegardée la liberté de choix du patient (Cass. 1ere civ. 7 nov. 2000). Ainsi, le masseur-kinésithérapeute devra, dans la mesure du possible, présenter son successeur à sa patientèle et recueillir le consentement de chacun à cette nouvelle prise en charge. Dans l’hypothèse favorable, le dossier pourra être transféré au masseur-kinésithérapeute cessionnaire conformément aux dispositions du II de l’article L.1110-4 du code de la santé publique permettant l’échange d’informations entre professionnels de santé dès lors que la continuité des soins l’exige.

6.2 Le cas de non reprise du cabinet

Le masseur-kinésithérapeute qui ne trouve pas de successeur à l’occasion de sa cessation d’activité est tenu de transmettre les dossiers relatifs aux patients au conseil départemental qui en deviendra le garant.

La responsabilité du traitement de ces données pèsera ainsi sur le conseil de l’ordre nouvellement garant. Au regard de ce qui a été évoqué ci-dessus, un tel transfert a pour objectif de satisfaire aux exigences des textes du code de la santé publique et notamment celle prévoyant que toute personne dispose du droit de consulter les informations de santé la concernant. Cette conservation par le conseil départemental permettra également au professionnel ayant cédé son activité de retrouver des éléments de preuves contenu dans la fiche patient si sa responsabilité professionnelle venait à être engagée ultérieurement à cette cessation.

6.3. Le cas du décès du masseur-kinésithérapeute

Tout masseur-kinésithérapeute peut être confronté à une cessation brutale de son activité. La question de la responsabilité des données de santé est alors entière.

En cas de décès, cette responsabilité pèsera dans un premier temps sur les héritiers du professionnel tant que ces derniers n’auront pas trouvé de successeur.

Par la suite, la reprise de l’activité par un nouveau masseur-kinésithérapeute devra répondre aux mêmes exigences que celles énoncées au point 5.1 ci-dessus. En effet, chaque patient disposant de la liberté de choisir son masseur-kinésithérapeute, les « fiches patients » ne devront pas être automatiquement transmises au nouveau professionnel et devront faire l’objet d’un accord préalable.

A contrario, lorsque les héritiers ne trouvent pas de successeur, il convient de préconiser des solutions en l’absence de précisions législatives sur cette question épineuse et pourtant majeure. Dans un premier temps, les héritiers pourront procéder eux-mêmes à la conservation de ces dossiers (ou par le biais d’un hébergeur agréé), en veillant à prendre l’ensemble des précautions visant à permettre leur conservation. Toutefois, la question du secret professionnel reste entière. En effet, la loi ne prévoit aucune dérogation au secret au bénéfice des ayants droits du professionnel de santé. Dans ce contexte, et afin d’éviter tout risque de mise en cause, les héritiers sont invités à faire usage des dispositions du présent article qui prévoit qu’« en cas de non reprise d’un cabinet, les documents médicaux sont adressés au conseil départemental de l’ordre qui en devient le garant », partant du principe que le cabinet du professionnel décédé n’a pas fait l’objet d’une reprise.