« Indépendamment du dossier médical personnel prévu par l’article L. 161-36-1 du code de la sécurité sociale, le masseur-kinésithérapeute tient pour chaque patient un dossier qui lui est personnel ; il est confidentiel et comporte les éléments actualisés, nécessaires aux décisions diagnostiques et thérapeutiques. Dans tous les cas, ces documents sont conservés sous la responsabilité du masseur-kinésithérapeute. Sous réserve des dispositions applicables aux établissements de santé, les dossiers de masso-kinésithérapie sont conservés sous la responsabilité du masseur-kinésithérapeute qui les a établis ou qui en a la charge. En cas de non-reprise d’un cabinet, les documents médicaux sont adressés au conseil départemental de l’ordre qui en devient le garant. Le masseur-kinésithérapeute transmet, avec le consentement du patient, aux autres masseurs-kinésithérapeutes et aux médecins qu’il entend consulter, les informations et documents utiles à la continuité des soins. »
«1. Une « fiche patient » personnelle au masseur-kinésithérapeute et distincte du dossier médical personnel
Le dossier du patient doit être analysé comme une « fiche d’observation » tenue et mise à jour par le kinésithérapeute dans le cadre de son activité indépendamment d’autres dossiers médicaux imposés par la loi, notamment le dossier médical personnel. La tenue de ces fiches de suivi est obligatoire. Ce dossier est personnel au kinésithérapeute. Dans le cadre de son activité, il constitue un outil de travail et d’information sur son patient lui permettant de prodiguer des soins adaptés, de coordonner d’éventuelles actions entre différents professionnels et d’organiser les soins et leur continuité. A ce titre, est reconnu fautif un kinésithérapeute collaborateur n’ayant pas restitué au kinésithérapeute titulaire les fiches de suivi relatives aux patients, méconnaissant ainsi les dispositions relatives à la continuité des soins (CDPI IDF, 22 février 2012, n°11/025).
2. Le contenu
Le dossier tenu par le kinésithérapeute doit comprendre les éléments de santé actualisés relatifs au patient qui seront nécessaires aux décisions diagnostiques et thérapeutiques. Sa rédaction n’est soumise à aucun formalisme. Il pourra s’agir ainsi d’informations administratives et familiales relatives au patient, de son état général de santé, de l’historique de son état de santé, des soins réalisés, des diagnostics effectués, des comptes rendus de consultation, des prescriptions mises en œuvre, d’éventuels échanges entre le patient et le kinésithérapeute, des notes personnelles… A cette fin, la Haute Autorité de Santé (HAS) a émis des recommandations spécifiques aux kinésithérapeutes[1]. Le conseil national recommande de retranscrire également dans la fiche du patient l’ensemble des moyens déployés auprès du patient dans le cadre du devoir d’information. En cas de litige à ce sujet, la charge de la preuve pèsera sur le professionnel qui pourra la rapporter par tous moyens (Cass, Civ, 1ère, 14 octobre 1997).
3. Règlement général sur la protection des données (« RGPD »)
Le kinésithérapeute qui détient un dossier propre à chacun de ses patients procède à un traitement de données personnelles ; quel que soit son support, tout traitement de données personnelles doit respecter les exigences prévues par le Règlement général sur la protection des données (« RGPD »).
En tant que responsable de traitement, le kinésithérapeute doit respecter les principes de protection des données personnelles : limitation des finalités, minimisation, exactitude et conservation limitée des données, intégrité, confidentialité, loyauté et transparence.
En particulier, le kinésithérapeute est tenu d’informer les personnes concernées par les traitements de données personnelles. Ces éléments peuvent être portés à la connaissance des patients par un affichage en salle d’attente dont vous voudrez bien trouver en cliquant sur le lien ci-après un modèle.
4. La confidentialité
Du fait de la confidentialité des informations retranscrites, protégées par le secret professionnel, le kinésithérapeute a la responsabilité de leur traitement. Il est tenu de prendre toutes précautions utiles, au regard de la nature des données et des risques présentés par le traitement, pour préserver la sécurité des données et, notamment, empêcher qu’elles soient déformées, endommagées, ou que des tiers non autorisés y aient accès. Ce principe de confidentialité connaît toutefois quelques exceptions.
4.1. L’accès du patient aux informations le concernant
Le kinésithérapeute doit satisfaire toute demande de communication d’informations relatives à sa santé de la part du patient, en s’assurant de l’identité de celui-ci, ou de la part du médecin que le patient a désigné pour en formuler la demande. S’agissant du patient mineur, sauf opposition de sa part, ce droit d’accès est exercé par les titulaires de l’autorité parentale. Cet accès ne comprend toutefois pas les informations recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique, ni les informations concernant directement le tiers concerné ou encore les observations personnelles du professionnel de santé.
4.2. Le cas particuliers de la perquisition judiciaire
Dans le cadre de son activité, le kinésithérapeute peut être sollicité pour apporter son concours à la justice et ainsi faire l’objet d’une perquisition judiciaire. Des informations contenues dans le dossier du patient peuvent alors être sollicitées. Le kinésithérapeute confronté à une perquisition portant sur un dossier du patient n’aura d’autre choix que de coopérer. Les documents saisis sont uniquement ceux indispensables à l’enquête en cours. Ils doivent être placés sous scellés fermés. Enfin, la présence du représentant de l’ordre est obligatoire.
4.3. La communication par le masseur-kinésithérapeute à d’autres professionnels de santé d’informations contenues dans le dossier
Sous réserve de l’accord du patient le kinésithérapeute peut transmettre à d’autres kinésithérapeutes ou aux médecins qu’il entend consulter, des informations et documents utiles à la continuité des soins appelés à figurer dans la fiche du patient. Le kinésithérapeute peut également échanger avec un ou plusieurs professionnels identifiés des informations relatives à une même personne prise en charge, dès lors qu'ils participent tous à sa prise en charge et que ces informations sont strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins, à la prévention ou à son suivi médico-social et social (Art L.1110-4, II du CSP). Cette possibilité n’exonère pas le kinésithérapeute du respect du secret professionnel qui doit recueillir le consentement préalable de son patient. Il est vivement conseillé de recueillir un consentement écrit et de l’inscrire dans le dossier du patient (hormis le cas où le kinésithérapeute fait partie d’une équipe de soin où le consentement est présumé : Art L.1110-4, III du CSP).
5. La conservation des données de santé détenues par le masseur-kinésithérapeute
La conservation des données de santé relatives à un patient poursuit plusieurs objectifs, les principaux étant la continuité des soins et la constitution de preuve en cas d’action intentée contre le professionnel. Cette conservation peut être effectuée par le professionnel de santé lui-même ou encore auprès d’un hébergeur agréé, en application de l’article L.1111-8 du code de la santé publique. Conformément aux dispositions du code de la santé publique, les kinésithérapeutes doivent conserver les données de santé collectées pour chacun de leurs patients pour une durée de vingt ans, cette durée étant reportée jusqu’au 28ème anniversaire du patient lorsqu’il était mineur de moins de huit ans au moment de sa prise en charge.
6. La cessation d’activité du masseur-kinésithérapeute
6.1 Le cas de la cession de patientèle
Le kinésithérapeute qui ne trouve pas de successeur à l’occasion de sa cessation d’activité est tenu de transmettre les dossiers relatifs aux patients au conseil départemental qui en devient le garant.
6.2 Le cas de non reprise du cabinet
La transmission des dossiers tenus par le kinésithérapeute cédant son activité ne doit pas être automatique. En effet, les articles L.1110-8 et R.4321-57 du code de la santé publique posent le principe de la liberté dont dispose le patient de choisir son professionnel de santé. En effet, une cession de patientèle est licite dès lors qu’est sauvegardée la liberté de choix du patient (Cass. 1ere civ. 7 nov. 2000). Ainsi, le kinésithérapeute doit, dans la mesure du possible, présenter son successeur à sa patientèle et recueillir le consentement de chacun à cette nouvelle prise en charge. Dans l’hypothèse favorable, le dossier peut être transféré au kinésithérapeute cessionnaire conformément aux dispositions du II de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique permettant l’échange d’informations entre professionnels de santé dès lors que la continuité des soins l’exige.
6.3. Le cas du décès du masseur-kinésithérapeuteEn cas de décès, la conservation des dossiers relatifs aux patients relève dans un premier temps de la responsabilité des héritiers du professionnel tant que ces derniers n’ont pas trouvé de successeur. La durée de conservation des dossiers des patients préconisée est alors celle prévue au point 5.
Par la suite, la reprise de l’activité par un nouveau kinésithérapeute doit répondre aux mêmes exigences que celles énoncées au point 6.1.
A contrario, lorsque les héritiers ne trouvent pas de successeur, afin d’éviter tout risque de mise en cause, les héritiers sont invités à user des dispositions du point 6.2. La durée de conservation des dossiers des patients préconisée est alors celle prévue au point 5.
L’ordonnance n°2017-29 du 12 janvier 2017 relative aux conditions de reconnaissance de la force probante des documents comportant des données de santé à caractère personnel créés ou reproduits sous forme numérique et de destruction des documents conservés sous forme numérique précise que la copie numérique d’un document contenant des données de santé, remplissant les conditions de fiabilité prévues au deuxième alinéa de l’article 1379 du code civil, a la même force probante que le document original sur support papier (article L. 1111-26 du code de la santé publique).
Il ressort de cette ordonnance que les dossiers médicaux détenus par les professionnels de santé peuvent être conservés sous format numérique, l’existence d’un double papier n’étant plus exigée.
[1] http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/massokine_recos.pdf