Le masseur-kinésithérapeute ne doit pas s’installer dans un immeuble où exerce un confrère sans l’accord de celui-ci ou sans l’autorisation du conseil départemental de l’ordre. Cette autorisation ne peut être refusée que pour des motifs tirés d’un risque de confusion pour le public. Le silence gardé par le conseil départemental de l’ordre vaut autorisation tacite à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la date de réception de la demande.
Cet article a pour objet de définir les conditions d’installation d’un kinésithérapeute lorsqu’elle intervient dans le même immeuble qu’un confrère.
La notion de « même immeuble » s’apprécie strictement en jurisprudence.
Ainsi, le kinésithérapeute qui s’installe dans un même ensemble immobilier, n’est pas considéré comme s’installant dans le même immeuble et n’a pas à solliciter préalablement l’accord de son confrère ou du conseil départemental de l’ordre.
Pour déterminer s’il s’agit du même immeuble ou d’un immeuble distinct, il convient de s’intéresser précisément et concrètement à la configuration des locaux (entrées séparées, distance séparant les deux cabinets, adresse…) ainsi qu’à la signalétique mise en place. A titre d’exemple, la jurisprudence a pu considérer qu’il ne s’agissait pas d’une installation dans un même immeuble dans les cas suivants :
Si l’installation n’intervient pas en réalité dans un même immeuble mais à proximité immédiate d’un ou plusieurs confrères, il n’en demeure pas moins obligatoire de respecter, le cas échéant, la clause de non-concurrence le liant à un confrère, au risque de se voir reprocher une tentative de détournement de clientèle prohibée par l’article R. 4321-100 du code de la santé publique (1).
Il est également vivement recommandé au kinésithérapeute de se rapprocher du ou des confrères afin de prévenir de sa prochaine installation, par courtoisie et confraternité (cf. article R. 4321-99 du code de la santé publique).
De même et comme pour tout nouvelle installation, le conseil départemental de l’ordre doit en être informé (cf. articles R. 4321-144 et R. 4321-129 du code de la santé publique).
L’installation d’un kinésithérapeute dans le même immeuble qu’un confrère sans avoir sollicité et obtenu d’accord préalable du confrère ou du conseil départemental de l’ordre est fautif en ce qu’il méconnait les articles R. 4321-133 et R. 4321-99 du code de la santé publique (2).
Ce comportement fautif, qui peut même s’analyser en une tentative de détournement de clientèle (3), peut ainsi donner lieu à des poursuites et à une sanction disciplinaire.
Le kinésithérapeute qui envisage de s’installer dans le même immeuble qu’un confrère doit, par courtoisie et confraternité, d’abord se rapprocher du confrère concerné pour obtenir son accord. Il est recommandé d’obtenir un écrit afin d’être par la suite en mesure de justifier de cet accord et d’une installation réalisée en conformité avec l’article R. 4321-133 du code de la santé publique.
La simple crainte d’une perte de clientèle ne doit et ne peut pas conduire à un refus.
Il faut bien comprendre en effet que, compte tenu du principe de libre installation et de la liberté d’entreprendre constitutionnellement et conventionnellement protégée (4), l’installation d’un kinésithérapeute dans le même immeuble qu’un confrère peut librement intervenir.
En tout état de cause, si le confrère sollicité refuse de donner son accord, le kinésithérapeute qui ne souhaite pas renoncer à son projet d’installation dans le même immeuble doit présenter une demande d’accord auprès du conseil départemental de l’ordre en fournissant les justificatifs nécessaires (plan de situation permettant de visualiser la configuration des lieux, photographies, signalétique envisagée…) pour lui permettre de se positionner sur la question du risque de confusion pour le public.
Une fois saisi, le conseil départemental de l’ordre dispose d’un délai de deux mois pour prendre et notifier sa décision, à défaut de quoi le silence vaut accord.
Le conseil départemental de l’ordre ne peut légalement prendre de décision de refus qu’en considération d’un risque avéré de confusion pour le public, lequel s’apprécie très strictement et vise en pratique des cas extrêmement résiduels.
La jurisprudence exige en effet la caractérisation de « circonstances particulières qui seraient propres à favoriser une confusion entre les intéressés », un risque de confusion ne pouvant résulter « du seul fait que les deux praticiens exerceraient dans le même immeuble » (5).
Ainsi, le seul fait de disposer d’une entrée commune ne caractérise pas à lui seul un risque de confusion (6) même lorsque les cabinets sont situés au même étage et avec un pallier commun, dès lors qu’ils disposent de plaques professionnelles séparées (7).
En revanche, peut être source de confusion la circonstance que le kinésithérapeute qui s’installe dans le même immeuble qu’un confrère a précédemment exercé au sein de ce cabinet, par exemple en tant qu’assistant (8), surtout pendant une longue durée (9).
C’est donc seulement dans le cas de circonstances très particulières (homonymie, configuration des lieux très particulière impliquant un risque de confusion malgré la mise en place d’une signalétique adaptée, exercice antérieur au sein du même cabinet et pour une durée assez longue...) qu’une décision de refus d’autorisation d’installation peut être prise par le conseil départemental de l’ordre en application de l’article R. 4321-133 du code de la santé publique.
La décision prise par le conseil départemental de l’ordre peut être contestée dans un délai de deux mois devant le Conseil national de l’ordre, qui peut également décider de l’annuler ou de la réformer d’office (cf. article R. 4321-145 du code de la santé publique commenté par le Conseil national).
1 CDN, 29 juin 2018, n° 010-2017.
2 CDN, 2 novembre 2015, n° 041-2014.
3 CDN, 31 janvier 2017, n° 058-2015.
4 cf. Décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982, cons. 16 et articles 49 et suivants du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
5 En ce sens : CAA de Toulouse, 6 décembre 2022, n° 21TL23635 ; CE, 13 octobre 1982, n° 24377, mentionné aux Tables ; CE, 12 juin 1987, n° 81718 ; CE, 24 septembre 1990, 107043 ; CE, 27 juillet 1990, n° 106889 ; CE, 11 mai 1987, n° 62617 ; CE, 21 juin 1995, n° 140467.
6 CE, 13 octobre 1982, n° 24377, mentionné aux Tables.
7 CE, 21 juin 1995, n° 140467 ; CE, 11 mai 1987, n° 62617.
8 CDN, 31 janvier 2017, n° 058-2015.
9 CE, 27 juillet 1990, n° 106889 (à propos d’un médecin ayant exercé au sein du cabinet du confrère pendant quatre années).