Le masseur-kinésithérapeute qui se trouve en présence d’un malade ou d’un blessé en péril ou, informé qu’un malade ou un blessé est en péril, lui porte assistance ou s’assure qu’il reçoit les soins nécessaires.

Cet article ne saurait être commenté sans faire référence à l’alinéa 2 de l’article 223-6 du code pénal :

« Sera puni des mêmes peines [5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende] quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours ».

L’obligation d’assistance à personne en péril est la traduction d’une obligation morale qui apparaît comme l’expression de la solidarité entre les citoyens.

Ainsi, cette obligation, crée à la charge du masseur-kinésithérapeute et à plus fortes raisons en sa qualité de professionnel de santé, comme à la charge de tout citoyen d’ailleurs, une obligation de faire : celle d’agir afin de porter secours à toute personne en danger.

Toutefois, il est difficile de porter une appréciation générale concernant cette obligation. En effet, la non-assistance à personne en péril sera appréciée au regard des circonstances particulières de l’espèce.

1. La nature du « péril»

En présence d’un malade ou d’un blessé en péril, le masseur-kinésithérapeute doit respecter son obligation de porter assistance. Toutefois, il est légitime de se demander ce qu’est le péril.

a. Définition et périmètre.

Il n’existe pas de définition du « péril » mais son contour a progressivement été cerné par la jurisprudence. Ainsi, trois conditions cumulatives doivent être réunies pour caractériser une situation de péril.

Selon la jurisprudence l’état de péril se définit d’un état dangereux ou d’une situation critique qui fait craindre de graves conséquences pour la personne qui y est exposée et qui risque, selon les circonstances, soit de perdre la vie, soit des atteintes corporelles graves[1].

Il s’agit de la première condition liée à la notion de gravité des conséquences. Ainsi, il y a péril quand le risque qu’encourt la personne est vital ou pourrait laisser des atteintes physiques graves.

Aussi, dans un arrêt de la chambre criminelle en date du 31 mai 1949, le juge a exigé que « le péril [soit] imminent et constant, et de nature à nécessiter une intervention immédiate ». L’obligation de porter assistance concernerait donc uniquement le cas des personnes se trouvant en état de péril imminent et constant.

La deuxième condition est que le péril soit constant. Cela signifie que le péril doit être certain et pas seulement hypothétique.

La troisième condition est que le péril soit imminent. Autrement dit le péril qui est sur le point de se réaliser. Il s’agit d’une imminence dans le temps et d’une imminence dans la causalité. Ainsi, l’abstention de porter assistance doit être volontaire, de sorte que l’infraction ne soit pas constituée si la personne n’avait pas conscience de l’existence d’un péril ou de la gravité du péril.

Par ailleurs, s’agissant du périmètre de l’assistance, le professionnel doit faire abstraction de toute considération personnelle ou que sa morale réprouve ou encore même la morale collective pour respecter son obligation d’assistance.

A titre d’exemple, un médecin a été condamné par la chambre criminelle de la cour de cassation en date du 23 juin 1955 au motif que ce dernier s’était abstenu d’apporter son assistance à un nouveau-né en péril du fait de sa naissance clandestine alors qu’il présentait des chances de survie appréciables et que la vie persistante du nouveau-né lui avait été signalée lors de ses visites.

Il a également été jugé que celui qui avait blessé un voleur qui  s’était introduit à son domicile aurait eu le devoir de lui porter secours[2].

b. Connaissance du péril

La non-assistance ne peut se concevoir sans la connaissance du péril auquel la personne à secourir est exposée.

Cette connaissance peut s’exprimer sous 2 formes :

  • La connaissance directe : Elle peut découler de l’observation personnelle du péril,
  • La connaissance indirecte : Il pourrait ici s’agir, par exemple, d’un masseur-kinésithérapeute informé par téléphone de l’état d’un malade.

Dans l’un ou l’autre cas, il convient de relever que la jurisprudence admet que l’ignorance du péril puisse résulter d’une erreur d’appréciation. En effet, l’article du code pénal réprime un manquement au devoir d’humanité et ne sanctionne pas le professionnel du service de santé qui, à la suite d’un diagnostic erroné, n’aurait pas donné à un malade les soins requis par son état de santé réel et méconnu par lui[3].

Aussi, une erreur de diagnostic ne suffit pas à caractériser le délit de non-assistance à personne en danger qui implique l’abstention volontaire d’intervention de celui qui a la possibilité de porter assistance en ayant conscience de l’existence d’un péril immédiat ; si l’attitude d’un médecin des urgences n’est pas exempte de critiques, dès lors que, en présence d’une patiente présentant une grossesse extra-utérine qu’il n’a pas su diagnostiquer, il ne procède pas à une hospitalisation immédiate et laisse repartir la patiente chez elle en prescrivant des examens pour le lendemain, ce qui constitue une erreur d’appréciation, voir une imprudence, il n’y a pas abstention volontaire de porter assistance en ayant conscience d’un péril[4].

2. L’assistance

L’assistance à personne en péril doit être adaptée à la situation rencontrée[5] et, conformément à l’alinéa 2 de l’article 223-6 du code pénal, s’avérer « sans risque pour celui qui intervient ou pour les tiers ».

a. Une assistance sans risque pour celui qui intervient et pour les tiers.

Le législateur a considéré comme un délit le fait d’être indifférent au sort de quiconque se trouve face à un danger grave, imminent et constant. Toutefois, l’assistance doit être sans risque, pour la personne en péril, l’intervenant et pour les tiers.

En effet, selon une décision du tribunal correctionnel de Mont-de-Marsan du 21 janvier 1959 « l'altruisme est obligatoire, non l'héroïsme »[6].

Ainsi, le masseur-kinésithérapeute n'est pas tenu de porter secours au détriment de son intégrité corporelle, ni de celle des tiers, même pour sauver une personne en grande difficulté. Cela doit s'entendre comme une absence de risques sérieux car toute intervention comporte un risque.

Les juges apprécient le caractère sérieux ou non du risque[7] en tenant compte des capacités de l'intervenant, des circonstances du péril et d'autres faits propres à chaque espèce.

Par exemple, dans une affaire de la chambre criminelle de  la cour de cassation en date du 4 février 1998, le juge a considéré que la neige ou le verglas ne pouvaient justifier la non-intervention de porter secours[8].

A l’inverse, ne peut être considéré comme coupable, l’automobiliste dont la voiture avait pris feu pendant qu’on était en train de la réparer et qui, au lieu de porter secours à l’ouvrier dont les vêtements commençaient à brûler, s’est occupé d’éteindre l’incendie du véhicule, dès lors qu’il importait d’empêcher l’extension de cet incendie pour éviter une explosion constituant un risque pour lui et pour les tiers et alors, d’autre part, que des passants mieux placés que lui, avaient immédiatement donné à l’ouvrier l’aide que nécessitait son état[9].

b. Une assistance adaptée à la situation.

Le code de la santé publique impose une assistance générale qui va au-delà des compétences en masso-kinésithérapie dont dispose le masseur-kinésithérapeute. En effet, dans l’hypothèse où un masseur-kinésithérapeute se trouve en présence d’un malade ou d’un blessé en péril, il devra, dans un premier temps, dispenser les gestes de premier secours ou dans un second temps, mettre en œuvre des mesures de bons sens.

D’ailleurs, il convient de rappeler que le masseur-kinésithérapeute, est un professionnel de santé qui au titre de sa formation dispose des compétences requises pour dispenser les gestes et soins d’urgence (à ne pas confondre avec la notion d’urgence en masso-kinésithérapie).

En effet, depuis 2010, l’attestation de formation aux gestes et soins d’urgence de niveau 2 (AFGSU) est légalement exigée pour l’obtention du diplôme d’État de masseur-kinésithérapeute.

A noter cependant qu’aucune disposition n’impose aux professionnels en exercice, salariés et libéraux, de détenir cette attestation. La formation aux gestes et soins d’urgence est cependant fortement conseillée.

Ainsi, il est possible de définir deux modalités quant aux formes possibles d’assistance. Un masseur-kinésithérapeute qui a connaissance du péril pesant sur une personne pourra soit :

  • agir personnellement et immédiatement,
  • lorsqu’il n’est pas en mesure d’intervenir lui-même, organiser ou appeler, de son fait, les secours appropriés.

Il convient également de souligner qu’il ne s’agit pas d’une alternative entre deux options. En effet, l’article R. 4321-60 du code de la santé publique ne peut être lu indépendamment de l’article 223-6 du code pénal, qui dispose d’une force normative supérieure, et qui sanctionne le non-respect du principe d’assistance à personne en péril.

Ainsi, le juge pénal considère que « l’action personnelle doit être la règle et la faculté de provoquer du secours, l’exception ; cette dernière option ne saurait se concevoir que lorsqu’il y a péril ou risque grave pour la personne appelée à porter secours, ou encore dans le cas où le secours ne peut être efficace qu’avec l’intervention d’un homme de l’art »[10].

A titre d’exemple, un juge a considéré que « n’a pas provoqué un secours le médecin qui s’est contenté de se décharger de son obligation d’assistance sur un tiers, en conseillant aux parents d’un enfant malade d’aller à l’hôpital, et faute d’avoir appelé le SAMU, les pompiers, ou même l’hôpital pour préparer la venue de cet enfant »[11] ou encore « le fait d’avoir tenté de provoquer un secours n’exclut pas le délit dès lors que l’imminence du péril requérait une action immédiate et que le prévenu pouvait porter secours sans risque pour lui-même ou pour autrui »[12] .

Dès lors, dans l’hypothèse où le masseur-kinésithérapeute appelé à porter assistance est en mesure d’agir, il doit le faire, sans se décharger sur d’autres de son obligation morale.

A contrario, si les moyens et les connaissances médicales du masseur-kinésithérapeute sont limités au regard de la situation, il pourra intervenir en sollicitant le concours d’un professionnel de santé mieux armé ou l’intervention du SAMU, des urgences ou encore la permanence de soins ambulatoires. L'alerte permettra une arrivée rapide de l’équipe médicale disposant des moyens de secours adaptés à la situation[13].

A titre d’exemple, un professionnel de santé a été condamné par la chambre criminelle de la Cour de cassation au motif que, connaissant la nécessité urgente de son intervention auprès d’un malade, ce dernier a subordonné son intervention à l’appel préalable du médecin traitant alors qu’il n’ignorait pas que son confrère ne pourrait intervenir immédiatement ainsi que l’exigeait l’état du patient.

[1] T.corr. Rouen, 9 juill. 1975 : D. 1976. 531, note Roujou de Boubée ; JCP 1976. II. 18258, note Savatier. [2] Bourge, 8 mars 1958 D. 1958. 279. [3] Voir en ce sens : crim. 25 juin 1964 : D. 1964. 594. [4] Voir en ce sens : Paris, 18 février 2000 : D. 2000. IR 95. [5] Cass. Crim. 27 mai 1991. [6] Trib. corr. Mont-de-Marsan, 21 janv. 1959. : JCP 1959, éd. G, II, 11086. [7] Crim.16 nov.1955, B.489. [8] Crim. 4 février 1998 Dr. Pénal 1998, Chron.96. [9] Riom, 20 mars 1947 : D. 125, obs Véron. [10] Voir en ce sens, T. Corr. Bayeux 22 juin 1954. [11] Voir en ce sens Crim. 4 février 1998. [12] Voir en ce sens Crim 26 juillet 1954. [13] Pour rappel, dans cette dernière hypothèse, le masseur-kinésithérapeute devra tout d’abord s’identifier, indiquer le lieu où se trouve la personne en péril et préciser comment accéder au lieu du péril. Ensuite, il lui faudra expliquer la nature du péril. Les secours mettront fin à l’appel une fois les informations nécessaires collectées.